2013
From Gesture to Language
Du geste au langage
Georg Baselitz
Louise Bourgeois
Tony Cragg
Richard Deacon
Raphaël Denis (Collectif anonyme)
Philippe Favier
Franz Gertsch
Jenny Holzer
André Kneib
Liu Dan
François Morellet
Robert Morris
Zoran Music
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Bruce Nauman
Giuseppe Penone
Arnulf Rainer
Cécile Reims
Martin Salazar
Kiki Smith
Jean-Philippe Toussaint
Danh Vo
Terry Winters
Xu Bing
Yan Pei-Ming
Yang Jiechang
Zhao Xuebing |
L’exposition From Gesture to Language met en relation l’Art conceptuel et les techniques de la création plastique traditionnelles. Si le concept de toute œuvre plastique est exprimé dans une forme, peut-on faire abstraction de la matérialité de l’œuvre pour donner directement à lire au spectateur le simple concept qui structure l’œuvre d’art ? Choisir pour objet de représentation un simple concept soulève une question de principe : l’artiste plasticien peut-il reléguer la forme de son œuvre au second plan en donnant à lire le message contenu dans son œuvre au moyen de simples mots ? Les néons lettristes de Bruce Nauman, les projections monumentales de Jenny Holzer seraient-ils des livres avant d’être des objets destinés à la vue ?
Il est bien évident que toute œuvre classique, par-delà sa première apparence formelle, voire figurative, n’existe qu’en tant qu’œuvre structurée de façon abstraite, mentale – « la Peinture est chose mentale », disaient déjà Léonard de Vinci ou Nicolas Poussin. Donc jusqu’ici, rien de nouveau… Quant à la relation des œuvres d’art classiques à la lecture, elle est si naturelle que le public éclairé ne prétendait pas voir, ni même regarder, un tableau, mais bien plutôt le lire. C’est dans cette conception intellectualisée de l’art qu’il faut chercher le fondement de la démarche des artistes conceptuels.
From Gesture to Language prétend confronter la création conceptuelle à l’aune d’une autre
démarche qui a profondément remis en cause la création plastique au XXIe siècle : le minimalisme,
l’art pauvre. Démarche dont la fin dernière était elle aussi de réduire l’œuvre d’art à la structure qui la sous-tend. Ni lettre ni mot, mais agencement de formes pures comme de nouveaux éléments primordiaux d’un univers en gestation, ainsi faut-il entendre la présence de la Lamentation rouge de François Morellet.
Le point d’orgue de ces réflexions plastiques vient fleureter, dans notre exposition, avec le Livre et l’estampe. Livres-objets, telle l’installation de Xu Bing dédiée au poème de Saint John Perse L’ordre des oiseaux, tel le récit Kafkaïen de Salazar
consacrant Le Procès, telle la commande d’estampes que l’Empereur Qianlong
adressa au Roi de France Louis XV pour illustrer ses propres poésies martiales.
L’art de l’estampe, dont la matière première est celle du Livre, le papier ou la feuille, ne suggère pas une rencontre fortuite entre avant-garde et tradition, mais révèle le propre nerf de l’exposition consacrée au renoncement à l’oeuvre
classique traditionnelle dont le symbole le plus impérieux demeure le tableau le
plus célèbre du Louvre La Joconde. Inviter le public aux Funérailles de Monna Lisa mises en scène par Yan Pei-Ming est la façon la plus honnête, sans doute parce
que la plus ludique, de convier le spectateur à la fête : From Gesture to Language propose avant tout de retrouver, dans une conflagration de la matière et de
l’esprit, le rôle primordial de l’art qui est aussi de nourrir les sens pour imposer,
dans une forme plastique rénovée qui est le propre du XXIe siècle naissant, la
suprématie du concept, en ouvrant cette relation du geste au langage à l’art du
langage poétique lui-même qui dans des couleurs, des rythmes et des sons
construit nos littératures.